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Tout droit (Straight ahead)

J’aurais bien voulu assister aux réunions où, au début des années 1980, quelqu’un a dessiné d’un grand trait de plume l’axe majeur, long de plus de trois kilomètres, qui relie la Tour Belvédère aux rives de l’Oise. 

 

À la suite des errements utopistes des urbanistes des années 1960 où l’on voulait à tout prix dissocier les piétons des voitures – les fameuses villes sur dalles – et qui ont fini par effrayer les gens, le quartier de l’Horloge à Cergy Pontoise a été construit en réaction au brutalisme des architectes de la précédente décennie : dessiné à la règle et au compas malgré tout par l’architecte catalan Ricardo Bofill, le quartier de l’Horloge se veut un hommage à l’architecture du Grand Siècle de Louis XIV : colonnades, frontons, toute la panoplie néoclassique a été convoquée. Les grandes façades à la blancheur aveuglante créent un décor monumental, que d’aucuns qualifieraient de pompeux.

 

Ricardo Bofill est connu, entre autres, pour les nouveaux quartiers qu’il a créés en France – Antigone à Montpellier, les espaces d’Abraxas à Noisy le Grand – ensembles surréalistes et excentriques, lieux de tournages de nombreux films. 

 

La Tour Belvédère, obélisque en béton au centre de la vaste place des Colonnes, est le point de départ de l’Axe Majeur. Vu du ciel cette grande place circulaire et sa colonne doivent ressembler à un cadran solaire qu’on aurait posé au sol. La promenade se prolonge au travers des 12 colonnes, œuvre de l’artiste israëlien Dani Karavan. Il faut ensuite descendre un escalier lui aussi monumental - la remontée est physique – et rejoindre les bords de l’Oise par une passerelle piétonne, dont le rouge des portiques rappelle les ponts en bois d’un jardin japonais. 

 

Une pyramide à gradins en bétons, posée sur l’eau, marque la fin de ce voyage dans les années 1980 et 1990, où les formes géométriques sont reines et les grands gestes architecturaux la règle. 

 

Sur le chemin du retour, en remontant le coteau, mon regard est attiré par une maison qui semble à l’abandon, les persiennes métalliques pleurent des larmes de rouille et sont fermées hermétiquement, semble-t -il pour toujours. La maison, élégamment posée dans la pente, a un petit air de Maison sur la Cascade (Frank Lloyd Wright – 1939). Le soubassement en béton est décoré de bas-reliefs qui évoquent des hiéroglyphes égyptiens, et dont la signification demeure mystérieuse. Peut-être un message caché de l’architecte ? 

 


I would have liked to attend the meetings where, in the early 1980s, someone drew with a large stroke of a pen the Axe Majeur, more than three kilometers long, which connects the Belvedere Tower to the banks of the Oise river.

 

Following the utopian wanderings of urban planners in the 1960s, when they wanted to dissociate pedestrians from cars at all costs – the famous cities on slabs – and which ended up scaring people, the Quartier de l'Horloge in Cergy Pontoise was built in reaction to the brutalism of the architects of the previous decade: designed by the Catalan architect Ricardo Bofill, the Quartier de l’Horloge is a tribute to the architecture of the Grand Siècle of Louis XIV : colonnades, pediments, the whole neoclassical panoply has been summoned. The large, blindingly white facades create a monumental setting, which some would describe as pompous.

 

Ricardo Bofill is known, among other things, for the new districts he has created in France – Antigone in Montpellier, the Espaces d’Abraxas in Noisy le Grand – surreal and eccentric ensembles, filming locations for many movies.

 

The Belvedere Tower, a concrete obelisk in the center of the vast Place des Colonnes, is the starting point of the Axe Majeur. Seen from the sky, this large circular square and its column must look like a sundial placed on the ground. The walk continues through the twelve columns, the work of Israeli artist Dani Karavan. You then have to descend an equally monumental staircase - the ascent is physical - and reach the banks of the Oise by a pedestrian footbridge, whose red porticoes recall the wooden bridges of a Japanese garden.

 

A stepped concrete pyramid, placed on the water, marks the end of this journey in the 80s and 90s, where geometric shapes and grand architectural gestures rule the world.

 

On the way back, up the hill, a house that seems abandoned catches my eye, the metal shutters crying tears of rust and are sealed forever. The house, elegantly placed on the slope, has a slight air of Fallingwater house (Frank Lloyd Wright – 1939). The concrete base is decorated with bas-reliefs that evoke Egyptian hieroglyphics, and whose meaning remains mysterious. Perhaps a hidden message from the architect?