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Métal hurlant (screaming metal)

24 heures. 24 heures au volant de bolides taillés pour l’endurance, des dizaines de milliers de spectateurs, les uns, chanceux ayant des relations ou nouveaux riches blasés, confortablement installés dans des loges avec petits fours et champagne, les autres, affalés sur leurs chaises de camping en plein cagnard, repus après un sandwich merguez et quelques bières, la peau tannée par le soleil. D’un côté une atmosphère ouatée et presque silencieuse – un comble pour une course automobile, de l’autre des heures passées à faire la queue pour se sustenter à la buvette, le brouhaha de la foule, la chaleur et la poussière. Mais tout ce petit monde, façon de parler – 240 000 spectateurs tout de même - est réuni par une même passion, celle du sport automobile, une passion triste aux yeux du monde bien-pensant d’aujourd’hui.

 

 

En effet, se retrouver ici - au bord du circuit, les oreilles assourdies par un ce vacarme mécanique, ce métal hurlant de bolides pétaradants, d’hélicoptères qui filment la course, de jets privés qui atterrissent et redécollent aussitôt, une fois déchargé leur lot de gens importants, cerné par ces parkings de camping-cars et de voitures à perte de vue - donne le sentiment de vivre un moment anachronique, loin des tracas du monde.

 

Tout ce qui occupe ce vaste territoire près du Mans, le circuit, le village et ses stands où fleurissent les publicités pour des groupes pétroliers partenaires, est un cauchemar pour militant écologiste. On a le sentiment ici d’assister au crépuscule du moteur thermique et de l’essence, à la fin d’une époque.  Le choc est immense, cela donne l’impression de frayer chez l’ennemi, de s’encanailler au milieu de gens peu préoccupés par l’avenir de leur planète. Ils ont sûrement tort ou peut-être ont-ils d’autres soucis, plus immédiats, plus quotidiens. Mais, avouons-le, cela fait tellement de bien de retomber en enfance, de se souvenir de l’époque où l’on jouait aux petites voitures, allongé sur la moquette du salon. J’y vois une forme de régression jouissive, un retour à l’innocence, quand l’insouciance était encore du domaine du possible.

   

Peut-être dans un futur proche ces bolides seront-ils propulsés par des moteurs électriques ou à hydrogène ? Ce serait sans doute plus vertueux, plus responsable, mais beaucoup moins enivrant. 

 


24 hours. 24 hours driving cars built for endurance, tens of thousands of spectators, some lucky people with connections or jaded new rich, comfortably installed in the VIP area with petit fours and champagne, others slumped in their camping chairs, sated after a merguez sandwich and a few beers, skin tanned by the sun. On the one hand, a padded and almost silent atmosphere – surprising for a car race, on the other, hours spent queuing for food at the bar, the hubbub of the crowd, the heat and the dust. But all this little world, so to speak – 240,000 spectators all the same – is united by the same passion, that of motorsport, a crude passion in the eyes of the well-meaning world of today.

 

Indeed, being here – along the race circuit, your ears deafened by this mechanical din, this screaming metal of backfiring racing cars, helicopters filming the race, private jets which land and take off again immediately, once unloaded of important people, surrounded by these parking lots of camper vans and cars as far as the eye can see - gives the feeling of living an anachronistic moment, far from the hassles of the world.

 

Everything that occupies this vast territory near Le Mans, the circuit, the village and its stands where advertisements for partner oil groups flourish, is a nightmare for environmental activists. We have the feeling here of witnessing the twilight of gasoline, at the end of an era. The shock is immense, it gives the impression of spawning with the enemy, of slumming in the middle of people who are not very concerned about the future of their planet. They are surely wrong or perhaps they have other, more immediate, more daily concerns. But, let's face it, it's so good to go back to childhood, to remember the time when we played with toy cars, lying on the living room carpet. I see in it a form of enjoyable regression, a return to innocence, when carelessness was still possible.

 

Perhaps in the near future these racing cars will be powered by electric or hydrogen engines? It would undoubtedly be more virtuous, more responsible, but much less exciting.